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jeudi, février 24, 2005

L'Eko-in

powermound
« MONTAGNE DE FORCE »

Juste dans le hall d'entrée du Kokugikan se trouve une vitrine remplie de trophées de sumo. Parmi ceux-ci, une bouteille de Coca-Cola chromée géante – le « trophée Coca-Cola », indique la plaque en dessous. Un autre trophée est un énorme cylindre de verre rempli de champignons séchés. La « Coupe Tchèque » est une chope en cristal géante, posée devant un poster vantant les mérites de la Pilsen Urquell.

Je suis en train de regarder les trophées quand j'entends quelqu'un m'appeler. Levant les yeux, j'aperçois un jeune gars bien coiffé, en costume gris et pantalons noirs. J'imagine, et je ne me trompe pas, qu'il s'agit de Miki.

Miki m'entraîne hors du hall d'entrée vers le bureau des relations publiques, l'endroit même où j'ai rencontré l'oyakata. Là, il fait faire par un photographe du Yomiuri les clichés nécessaires au badge de presse qu'il m'a promis pour le tournoi. De retour dans le bureau, j'aperçois tous les journalistes et photographes assemblés ici autour d'une table jonchée de « butin » de presse : articles, DVD, photos.

S'y trouve également une petite collection de poupées Barbie en costume de sumo : Barbie-gyoji, Barbie-Kesho-Mawashi. L'une a même la tête de Ken insidieusement transposée sur le corps rond et coloré d'un lutteur en mawashi.

Miki me demande de l'attendre tandis qu'il tape des notes sur son ordinateur portable, qu'il a connecté à son cellulaire. Puis il m'emmène manger dans un restaurant tempura, où il commande des fruits de mer pilés sur du riz, que nous arrosons de bière.

Miki mange rapidement. Lorsque nous quittons le restaurant, il m'informe que je peux arriver au Kokugikan quand je le désire le jour suivant – premier jour du tournoi – et percevoir mon badge de presse, qui me permettra d'aller et venir à ma guise. Avant que nous ne nous quittions, je lui demande de m'indiquer le chemin du temple d'Eko-in, que je souhaite voir en raison de son rapport avec le sumo.

Eko-in, en fait, est ce qui a amené le sumo dans le quartier Ryogoku de ce qui allait devenir Tokyo. Construit au milieu du 18° siècle pour inhumer et rendre hommage aux plus de cent mille victimes du gigantesque incendie qui avait détruit la ville environ un siècle plus tôt. Mais Eko-in n'avait pas accès aux même mannes financières dont disposaient la plupart des temples : les tombes qu'il renfermait étant anonymes, il ne pouvait recevoir les dons de familles de victimes enterrées là. Le temple trouva alors la solution pour asseoir sa viabilité financière en organisant deux fois par an des tournois de sumo, devant des milliers de spectateurs.

Le sumo pratiqué dans l'enceinte de temples n'était pas une nouveauté. Cela faisait bien longtemps que temples et sanctuaires gagnaient de l'argent en hébergeant le ramassis de samurai en rupture de ban et d'immigrants venus de la campagne, qui luttaient dans les combats primés qui allaient devenir le sumo moderne. Avant qu'Eko-in ne commence à tenir des combats en son sein, la plupart se déroulaient sur le sol du sanctuaire de Fukugawa Hachiman, en aval du fleuve Sumida. Mais une fois qu'ils furent transférés à l'Eko-in, celui-ci devint la destination majeure du sumo et Ryogoku son quartier général.

Au début du 20° siècle, le sumo gagna un prestige tout neuf, surfant sur la vague de fierté nationale qui submergea le Japon après ses récentes victoires sur la Chine et la Russie et entraîna chez les Japonais un retour aux sources de leur culture, par volonté d'opposition envers la civilisation occidentale. Expression de la culture japonaise tout à fait singulière, le sumo fut élevé au rang de sport national, et le Kokugikan, construit près du temple, devint sa maison.

De nos jours, toutefois, la seule chose qui semble encore relier l'Eko-in à son passé de sumo est la pierre gravée de l'inscription « Montagne de force », placée à l'entrée du temple, et érigée dans les années 30 pour commémorer un lutteur célèbre. Le temple lui-même se trouve au fond d'un axe routier chargé, derrière un building d'acier et de verre. Les vastes terrains du temple, qui lui permettaient d'abriter les énormes structures démontables dans lesquelles le sumo prenait place, ont désormais disparus. C'est aujourd'hui un quartier résidentiel encombré de petites villas. Mais son passé de cimetière rejaillit clairement des denses amas de tombes sur le côté.

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APRÈS: Une matinée au Tournoi